1. |
Petit homme
03:59
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Petit homme j’aimais les grands vents de l’hiver
L’obscurité du crépuscule des jours froids
La boue, les flaques d’eau grise dans la terre,
Je courais la lande avec mon épée en bois
Charmé des cieux mornes, des arbres décharnés
Chevalier errant dans ce pays sauvage
En quête pour livrer un combat acharné
Aux monstres qu’un héros voit sur son passage.
Dans les rougeoiements déclinants de l’horizon
J’attendais dans l’obscurité grandissante…
J’éprouvais le Mystère inquiétant, l’oraison
La paix qu’ont la nuit les étoiles naissantes…
Je rentrais excité sous le grand Univers
Baigné d’un sentiment religieux primitif
Avec cette joie quand la beauté vous serre
Sous les cieux étoilés, lissés par un vent vif.
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2. |
Virée nocturne
03:06
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Les phares fouillent le ventre obscur de la nuit
Ils caressent des troncs, des corolles de pins
Nous montrent l’oubli, révèlent un monde englouti
Un endroit secret que la nuit garde en sa main.
De rares étoiles percent entre les nuages
On roule dans la nuit, on erre nomades,
Happés par l’appel du large et de la plage
En manque d’océan, et comme malades.
La route, son dos écailleux nous emporte
On roule dessus l’esprit vidé, presqu’en paix
Savoir l’océan proche nous réconforte
La route on ne voit qu’elle, son asphalte épais,
Et sa voie déserte brille sous la lune.
On longe une anse où scintille une mer d’huile
Cette vue nous remplit d’une joie commune
Des bouées lumineuses sur l’onde agile
Remuent leur halo rouge ou vert sur les courants,
Tout un havre lisse et plane qui s’étale.
Longer le rivage face aux rouleaux mourants
Sentir les vagues dans leur course finale
Nous réveille. Puis on arrive à la pointe.
La lune inonde les lieux dans son sang blanc
La surface de l’océan en est ointe,
Une immensité baignée de clarté d’argent.
Nous voilà au pied du phare de la Coubre
Il domine toute la côte sauvage
Annonce l’estuaire et ses courants fourbes
Sur des étendues de dunes et de plages.
Ce géant jaillit du sable, long, effilé
Sur son corps rouge et blanc tournent quatre faisceaux
Couronne de lumière qui aime osciller
Au seuil de ce territoire infini des eaux.
Ces dimensions illimitées sont grisantes,
La houle ondule en des lieux où l’œil s’égare
Je ressens sa respiration lourde et lente
Là, tout de suite, j’ai envie d’être un phare.
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3. |
Voici l'heure
06:16
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Voici l'heure où les lumières sont éteintes
Voici l'heure où les fenêtres sont aveugles
Je marche et le froid m'a pris dans son étreinte
Je marche, et mon âme souffre d'être seule.
Je ne comprends pas ce qu'ont fait les étoiles
Dans quel cachot m'ont elles jeté aux fers?
J'appelle mon esprit que la folie voile
J'appelle mon esprit pour qu'il explique aux nerfs.
Tu disais que je brillais comme un soleil
Tu disais que je t'apportais l'équilibre
Qu'à un arbre majestueux j'étais pareil
Que mes caresses sur ton corps rendaient libres.
Je puisais ma vie à la source de tes yeux
Comment as-tu pu trahir ce serment sacré
Pour personne je n'ai été aussi précieux
Pour personne, tu entends? C'était mon secret
Tu disais que ma voix suave était douce
Belle mais voilée comme une aube grise,
Le ciel où flotte ta chevelure rousse
N'aura plus dans tes cheveux son emprise
Tu m'as emmuré vivant, comment as tu pu?
J'ai bien cherché à montrer mon front au soleil
Mais sa chaleur fait comme si j'existais plus
J'ai bu des choses, j'ai gouté des merveilles
Pour toi je suis allé supplier la lune
J'ai saigné mon coeur pour convoquer nos souvenirs,
Je t'ai vue et dans une grâce peu commune
J'ai frôlé le sublime et l'éternel devenir.
Je me suis cru guéri, j'ai dansé, j'ai chanté
Mais ton sacre dans la terre, moi, m'a damné
Et tout le jour, toute la nuit je suis hanté
Rien, ni aux dieux ni à toi sera pardonné
C'est l'heure où je ris aux étoiles immaculées
Et je les accuse toutes dans leur clarté
Comment osent-elles m'imposer leur pureté
Maintenant que l'on vient de t'enterrer
Ma lumière au bout du tunnel d'insomnie
Sera le feu d'artifice de mon fusil,
Et ma cervelle lancée aux divinités
Fera l'étoile de leur culpabilité.
Je prends fermement le canon noir et luisant
Le métal froid dans ma bouche me libère
Je pleure, le fusil tombe, il n'est pas fumant,
Je supplie en larmes un fleuve de lumière.
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4. |
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Dans l’immensité grise ils se dressent sombres
Comme des menaces dans la pluie soudaine
Qui jettent au sommet des collines des ombres
Toujours plus grandes dans l’étendue des plaines.
Et, transies dans la pluie froide qui les fouette
Leurs statures élèvent de muettes plaintes,
-Partout vont leurs lamentations ; leurs silhouettes
Ont des voix lugubres dans le vent qui chuinte.
On les voit debout sur leur mont solitaire
Comme des condamnés, comme des suppliciés
La neige les a glacés sous son suaire
Puis le gel et la grêle se sont succédés,
Ils espéraient le printemps clément aujourd’hui
Ouvrir leurs bourgeons gorgés de sève,
Ils sont battus par quatre vents fous sous la pluie.
Et dans leurs gémissements j’entends leurs rêves.
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5. |
Le mauvais temps
03:22
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Je vois tes cheveux flotter
comme un drapeau au vent,
Ma vie vaciller,
en proie au mauvais temps.
Le mauvais temps c'est toi,
ma vie fout le camp pour toi ;
tout le temps t'es là...
Ton souvenir me hante,
et rend mes nuits blanches ;
car tes cheveux m'enchantent,
quand sur moi ils se penchent...
Je goute à tes lèvres,
je frôle ton cou
Toi qui es ma fièvre,
je suis à tes genoux,
Reste encore, reste encore. Reste...
Dans mon âme, tu te pâmes
Reste encore, reste encore. Reste...
Toi mon drame, toi ma dame,
Je m'enferme vivant
dans ta prison douce.
Tu m'y aimes tout le temps,
jamais ne me repousses,
Tu m'aimes là,
je touche ta peau.
J'adore ça,
t'effleurer c'est beau.
Tu danses pour moi,
tu me souris.
Je crois parfois
que c'est la vraie vie.
Tes cheveux m'effleurent
et je baise ton nez...
Ton amour affleure
dans l'intimité.
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6. |
Vivons loin des gens
05:20
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Tu dors encore, je sors de notre maison
L'herbe que le givre a blanchi semble d'argent
Parfois j'aimerais me dépouiller de ma raison,
Retrouver la clairvoyance d'un innocent.
Je descends la colline vers la rivière
J'espère que tu vas pouvoir dormir longtemps
Mon souffle évapore des fumées, des prières
J'aimerais pouvoir t'accorder plus de temps.
J'enfonce mes mains loin au fond de mes poches
Dans le matin clair mes petits maux pâlissent
Je descends, la mousse enveloppe la roche
Mes pas crissent sur le givre, crissent, crissent.
Les arbres ont formé un tunnel comme un boyau
Je descends dans la forêt, dans ses entrailles,
La nuit des sous-bois se perce de rayons chauds
Comme mes angoisses qui face à toi défaillent.
J'avance sous une cape étoilée d'or
Je frissonne, seul dans cette intimité,
Il n'y a aucun bruit, aucun homme dehors
C'est l'heure où l'aube claire commence à s'écouler.
Je l'aperçois entre les feuillages scintiller
La rivière ondule comme un serpent sacré
Elle m'appelle, son chant sait m'émerveiller
Entre les collines elle danse déroulée.
Je pense à toi qui dort au chaud et qui rêve
Je pense au calme de notre maison, je t'aime
Dans le froid je pense à l'été qui s'achève
Au final, on est pas malheureux quand même.
La rivière murmure, musicale ici
Le silence brille de la clarté de sa voix
Son déferlement des eaux me lave l'esprit
La rivière me parle et je pense à toi.
Je regarde sa peau d'argent étinceler
Le roulis des courants noueux s'entremêler
Et voici que je la sens en moi ruisseler
Charrier tous mes tracas, que je vois s'écouler.
Dans l'air cristallin du silence automnal
Je pense à toi, je pense à moi, je pense surtout
Au secret sorti des berges en conseil vital
Vivons loin des gens pour nous occuper de nous.
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7. |
On va se quitter
03:08
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Tu sais on va se quitter
Et se quitter, c’est sérieux
Même si on veut l’éviter
Tu t’es ancrée dans mes yeux
Ton sourire faux est léger
Mais tes yeux vrais me scrutent
Je dis des banalités
Et moi aussi je lutte
La foule nous traverse
Ces personnes qui bougent
Nous qui faisons l’inverse
Voit-on mes yeux rouges ?
Tu sais c’est pour quelques jours
Bon allez le temps presse
Un bisou comme toujours
Il faut que je te laisse
Et pour la première fois
Nos regards se décrochent
C’est une douleur, un froid
Déjà un manque moche
Puis c’est le dernier baiser
Chacun son sens de foule
Bon je vais me retourner
Là, réjouit sur la houle
Ton visage me sourit.
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8. |
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Je reste assis devant la porte fenêtre
A regarder le ciel gris perler de bruine,
La brume moussue de pluie qui vient de naître,
Ce mauvais temps qui s’émousse en gouttes fines.
Les cieux envahis par un dragon nuageux
Sont fendus de grands sillons de lumière,
Les raies du soleil coupent ce monstre ombrageux
Et rendent à l’herbe leur verdure première.
Les arbres ont explosés sous de jeunes feuilles
De fragiles feuillages froissés un peu clairs,
Et sous leurs voûtes mon regard se recueille :
Leurs étoffes émeraude savent me plaire.
Voir leur peau translucide aux veines nervurées,
La phosphorescence de leur chlorophylle,
Me prouve que l’hiver ne pourra perdurer
Que Pan dans les couloirs du vent se faufile.
La pelouse est dense et regorge de rosée
Que les pissenlits étoilent de leur fleur d’or,
La bruine évanescente vient s’y déposer :
Mousse d’eaux, larmes de soie frôlent la flore.
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9. |
Matin limousin
03:39
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Entre les forêts obscures au silence épais
On trouve des prés engloutis dans la brume,
Des prés gorgés de rosée dans l’aube de lait
Et ce brouillard brillant qu’un feu gris allume.
Sortant de la nuit prisonnière des forêts
Le lapin s’enfuit que le renard déroute,
On voit, en quittant les bois qui parlent en secret
Des allées de chênes en marche au bord des routes.
Les forêts murmurent dans l’aube diffuse
Et les clairières s’éclairent d’un linceul blanc,
Une bête ouatée de brume s’amuse
D’odorants genêts dont les fleurs balancent au vent.
Une âme noire dans un vol lourd traverse
Puis se perche sur un arbre. Un corbeau.
Passager des brumes que la forêt verse.
On fait connaissance, mais mes mots font défaut.
L’aube étrange éclaire l’intérieur des brumes
Je coasse vers le corbeau qui m’ignore,
Le brouillard, ce linceul lumineux qui fume
M’avale en silence, ruisselant d’aurore.
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